28/02/2015
France

FNE dénonce l’annonce de mesures en faveur de la petite hydroélectricité

Transformer
des moulins en centrales hydroélectriques ? C’est la mauvaise nouvelle
environnementale annoncée par la ministre de l’écologie à l’occasion de
l’examen par le Sénat du projet de loi pour la transition énergétique.
Madame Royal a annoncé des mesures favorisant le développement de la
petite hydroélectricité en l’illustrant par la transformation des
moulins en centrales hydroélectriques. Seulement, le rapport coût
bénéfice ne va pas dans le sens du moulin à eau puisque celui-ci possède
un faible potentiel de production électrique tout en nuisant fortement à
la qualité de nos cours d’eau.

Les moulins endommagent fortement la qualité des cours d’eau et produisent peu d’électricité – 
En 2013, les états des lieux montrent que l’une des principales causes
de non-atteinte du bon état des cours d’eau, objectif fixé par la
directive cadre sur l’eau (DCE), est la rupture de la continuité
écologique ainsi que les perturbations des débits notamment engendrées
par la présence d’ouvrages hydroélectriques. Pourtant, Madame Royal
poussée par certains élus et industriels, poursuit sa course à marche
forcée vers le développement de cette énergie dite renouvelable,
notamment à travers la remise en état des moulins. Ainsi, si l’on
comprend bien la ministre, les moulins incarneraient l’avenir
énergétique de la France, alors assise sur une mine d’or dont le dernier
filon est bien maigrelet ; après la ruée sur le gaz de schistes, celle
sur le pactole des moulins ? Et tout cela orchestré par le gouvernement ?
Mais les chiffres parlent d’eux-mêmes : les 30 000 moulins soi-disant
transformables en microcentrales hydroélectriques ne produiraient que 1
TWh, soit 0,2 % de la production électrique nationale ! Et encore, ces
chiffres sont tirés du rapport Dambrine dont même les pouvoirs publics
reconnaissent aujourd’hui qu’il surestimait d’un facteur 3 les
perspectives d’augmentation brute de la production hydroélectrique
métropolitaine…

Un enjeu davantage patrimonial qu’énergétique alors que les moulins à eau restent une catégorie anecdotique de la
petite hydraulique
– Les moulins voleraient-ils au secours du nucléaire, alors que la
création de nouveaux réacteurs a été annoncée il y a quelques jours
seulement ? L’ambition est à remettre dans le contexte général de la
production électrique en France  en 2014 : nucléaire 77 %, thermique
classique 5 %, grande hydraulique 12,6 % dont petite hydraulique 1,5 %
(source : Électricité produite en France en 2014 bilan électrique  2014,
RTE). La petite hydraulique représente une faible part dans le gâteau
énergétique mais plus de 90 % du potentiel hydroélectrique est
aujourd’hui réalisé et la très grande majorité des sites propices sont
déjà équipés. Sauver les moulins relève donc plus d’un enjeu patrimonial
qu’énergétique ! En plus d’induire le public en erreur sur
l’efficacité électrique des moulins, les propos de la Ministre
démontrent une confusion entre petite hydraulique et moulins à eau.
Aujourd’hui, il existe 1 870 unités de petite hydraulique pour une
puissance unitaire moyenne d’un peu plus de 1 MW. Pour les moulins,
c’est tout autre : quelques dizaines de kW  tout au plus. Quant à
l’aspect patrimonial du sujet, il en va de même : le fonctionnement des
anciens moulins à eau était discontinu et lié à l’activité humaine
(jours chômés...) et à la disponibilité des matières premières (blés par
exemple). C’est-à-dire tout le contraire des centrales hydroélectriques
modernes qui turbinent 365 jours par an, 7 jours sur 7, 24 heures sur
24 !  Sans compter la probable grande différence d’impact (par exemple
sur la dévalaison piscicole) entre roues hydrauliques et turbines.
Josselin de Lespinay, membre du réseau Eau de FNE réagit : "Et si le
patrimoine doit être l’argument permettant à d’anciens moulins de
s’équiper pour produire de l’électricité, ce même argument doit leur
imposer de fonctionner de la même façon que lorsqu’ils étaient actifs :
ni toute la journée, ni toute la semaine, ni toute l’année."

La position de FNE est d’optimiser l’existant, de refuser le superflu et d’effacer l’inutile
– FNE rappelle que plus de 75 000 seuils et barrages dont ceux des
moulins obstruent déjà les cours d’eau français. Il y a donc de quoi
faire pour optimiser ce qui existe déjà, notamment la grande hydraulique
qui produit 12,6 % de l’électricité nationale. Certains parmi ces
ouvrages sont aujourd’hui sans usage, leur équipement en vue de la
production hydroélectrique aurait un résultat dérisoire et leur présence
reste néfaste pour la libre circulation des grandes espèces migratrices
et des sédiments. Face au changement climatique, la mobilité sera un
facteur décisif pour le maintien des espèces et en particulier des
grands migrateurs. L’arasement des ouvrages, seule mesure d’efficacité
garantie, s’il n’a pas vocation à être appliqué systématiquement, doit
toujours être étudié. Compte tenu de l’état actuel des cours d’eau, FNE
considère comme illégitime l’équipement de nouveaux sites encore
"vierges". Ainsi, selon Jacques Pulou, membre du réseau Eau de FNE : "La
création de nouveaux ouvrages sur les cours d’eau encore non équipés
est, compte tenu de leur artificialisation actuelle, contraire au
principe de gestion équilibrée et durable de l’eau prévu par les
dispositions de l’article 211-1 du code de l’environnement en ce qu’elle
privilégie la production hydroélectrique au détriment de la
préservation du milieu naturel aquatique."

Si la ministre
persévère dans cette voie, le label "Site Rivières Sauvages", dont elle
se réjouissait lors du colloque des 50 ans de la politique de l’eau,
risque d’en prendre un coup…

France Nature Environnement – FNE